27 septembre 2016
Emile Verhaeren par Stefan Zweig
Admirateur de la première heure d'Emile Verhaeren - nous avons déjà largement évoqué le sujet dans la rubrique consacrée à l'écrivain autrichien- Stefan Zweig lui consacre, en 1910 ( pour la traduction française) une biographie élogieuse, très engagée.
Certains Français la lui reprocheront, estimant qu' à trop insister sur les racines et mentalité germaniques du poète, Stefan Zweig l'a amené à lui, attiré en sa propre culture, plutôt que d'en démontrer l'ouverture, le côté résolûment européen.
C'est un débat.
Dédiée à Camille Lemonnier, la biographie voit en Verhaeren, un homme aussi visionnaire de son temps que poète indispensable à l'époque. Et le fougueux Viennois de s'exclamer:
"Toute notre époque se reflète dans l'oeuvre de Verhaeren"
"Ainsi Verhaeren, visionnaire enthousiaste est le plus grand poète d'aujourd'hui, parce qu'il est le poète nécessaire et le poète de la nécessité."
Sa vitalité exceptionnelle prend source dans ce qui fait la force de la nation belge: ses racines mixtes, latines et germaniques.
Ainsi:
"Verhaeren proclame le triomphe de la race belge"
Et Zweig de s'extasier sur le rapport de Verhaeren aux humbles, son contact physique vrai, avec les êtres et la nature, .. d'expliquer, par une sorte de psychanalyse, ses moments de crise, minimiser le rôle de l'amour, la valeur de la dramaturgie, dans l'oeuvre verharenienne...
"L'Europe entière parle par sa voix, et cette voix s'élève au-dessus du siècle présent."
Une bio engagée, jaillie de la plume d'un passionné, sorte d'épopée qui place le héros dans la vitrine de l'Histoire.
Du Zweig, pure facture.
Apolline Elter
Emile Verhaeren, sa vie, son œuvre, Stefan Zweig, 1910 (plusieurs éditions dont en livre de poche et numériques)
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30 avril 2016
Le monde d'hier
L'essai ne date pas d'aujourd'hui; nous ne pouvons que célébrer de liesse la réédition qu'en opèrent les éditions Gallimard, en leur collection "Folio essais" et ce frileux avril.
D'édition posthume(1942), rédigé au Brésil, peu avant le suicide du célèbre écrivain viennois, Le Monde d'hier consigne les Souvenirs d'un Européen, d'un être traumatisé par la barbarie de la guerre, la fracture d'un rêve d'Europe unie, qui lui était si cher. A large portée autobiographique, l'essai fait office de longue lettre testamentaire.
Nous en infuserons deux courts extraits représentatifs, aujourd'hui et demain (HIgh Tea de 17 h):
" Or c'est dans cet air étouffant et malsain, saturé de miasmes parfumés, que nous avons grandi. Cette morale hypocrite du silence et de la dissimulation, dénuée de toute psychologie, est celle qui a pesé tel un cauchemar sur nos jeunes années, et comme les documents authentiques sur la littérature et l'histoire de la civilisation font défaut du fait de cette technique du silence solidaire, il n'est sans doute pas facile de reconstruire ce qu'on a déjà du mal à croire."
Le monde d'hier. Souvenirs d'un Européen, Stefan Zweig, essai, Ed. (posthume 1942) , rééditions Gallimard dont La Pléiade (2013) et Folio Essais, avril 2016, texte traduit de l'allemand par Dominique Tassel, avril 2016, 592 pp
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06 octobre 2015
L'envie de lire des lettres
« Avez- vous encore le temps, l’envie de lire des lettres ?
J’espère que oui ! Avec les lettres, c’est un peu comme une courbe dans la vie, d’ abord on les aime, on les oublie, et puis on les perd à cause de la plus grande force du mot imprimé, mais je crois qu’on y retourne toujours. »
Lettre de Stefan Zweig à Hermann Bahr, 14 septembre 1912
Citée in
Stefan Zweig- Sigmund Freud, Correspondance, préfacée par Roland Jaccard et annotée par Hans-Ulrich LindkenEd. Rivages, 1991 pour la traduction (Gisella Hauer et Didier Plassard), Payot & Rivages, 1995 pour l’édition de poche (réédition 2013), 160 pp
Voilà qui donne le coup d'envoi, de moteur et d'ardeur à la série de cours et modules qui traiteront l'abondance épistolaire de Stefan Zweig.
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28 juillet 2015
The Grand Budapest Hotel
Concluons - provisoirement - ces jours consacrés à Stefan Zweig par un court ...séjour au Grand Budapest Hotel...
Une soirée-DVD familiale que je vous recommande chaudement.
Il se dit inspiré des oeuvres de Stefan Zweig, le film de Wes Anderson en fustige l'atmosphère - certes compassée - en un cocktail "Ladurée" loufoque, pétillant, surréaliste ...à savourer, comme il se doit, au second degré.
Fidèle à la technique zweigienne du récit enchâssé, le réalisateur nous introduit, par un double jeu de flash backs dans les années '30 et fastes d'un hôtel de prestige , The Grand Budapest Hôtel, régi par l'autorité naturelle, distinguée et sans faille de Monsieur Gustave, concierge et grand aimé de ses (vieilles) clientes.
Incarné par le séduisant Ralph Fiennes, Monsieur Gustave prend sous son aile Zéro Moustafa, un jeune groom indien, orphelin, rescapé du massacre de sa famille .
L'assassinat de la comtesse Céline Villeneuve Desgoffe und Taxis, veuve, cliente attitrée de l'hôtel et ...de Monsieur Gustave, va attirer sur ce dernier,légataire d'un tableau de valeur,les foudres d'une famille cupide et haineuse, celles de la police également.
S'enchaîne un imbroglio de courses-poursuites et situations incongrues, en un ballet tonique et désopilant, soutenu d'une musique envolée et idoine.
Magique, vous dis-je
Tourné pour partie dans le Gôrlitzer Warenhaus , le film fait la part magnifique à ce grand-magasin d'Allemagne de l'Est, chef-d'oeuvre Jugenstil des années '20:
The Grand Budapest Hotel - Un film de Wes Anderson ( Allemagne- Grande-Bretagne) disponible en DVD - Musique: Alexandre Desplat
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27 juillet 2015
Silence épistolaire
La correspondance - colossale - de Stefan Zweig revêt de multiples facettes, nous ne nous lasserons pas de le dire. Ce gentleman peut se faire délicieux flatteur. Voici comment il justifie auprès de son amie, l'écrivain suédoise Ellen Key, son étonnant silence épistolaire
Nous pourrions en prendre graine...
"A Ellen Key,
Vienne, 16 novembre 1905
Très honorable, aimable, chère Ellen Key, je ne vous remercie qu’aujourd’hui pour votre lettre et votre paquet, car il est rare qu’un jour me soit assez cher pour que je l’honore d’une lettre à vous adressée. Je les réserve pour les jours où je vis de belles heures, dignes et claires, où je pense avec joie et profit aux bonheurs que j’ai goûtés et où je sens pour ainsi dire la proximité du lointain"
Ou encore, quelques mois plus tard: (mi-janvier 197 ?)
Très chère et honorable Ellen Key
Je vous remercie du fond du cœur pour votre lettre, à laquelle j’ai répondu tous les jours en pensée depuis que je l’ai reçue.
Stefan Zweig, Correspondance 1897-1919, Préface, notes et traductions de l’allemand par Isabelle Kalinovski, Ed. Grasset, 2000, 384 pp ( In Le Livre de Poche, 2005, 480 pp)
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26 juillet 2015
Ostende 1936
"Stefan Zweig à l'été 1936. Il regarde la mer par la grande fenêtre et pense, avec émotion, appréhension et joie mêlées, à la communauté des réfugiés qu'il s'apprête à rejoindre."
Une communauté d'amis, d'esprits , Joseph Roth, Irmgard Keun, Hermann Kesten, ....qui se retrouvent au café Flore. Stefan Zweig séjourne dans un appartement d'Ostende; il a emmené sa secrétaire et maîtresse Lotte Altmann, munie de son indispensable machine à écrire.
Radioscopie d'un été en la célèbre station balnéaire belge, celle où réside le peintre James Ensor, qui voit la montée en puissance du fascisme et le coup d'Etat perpétré par Franco, le 17 juillet 1936, le récit de Voler Weidermann préfigure l'inéluctable fin d'une époque, profile le conflit à venir
AE
Ostende 1936, Un été avec Stefan Zweig, Volker Weidermann, essai, traduit de l'allemand par Frédéric Joly, Ed Piranha, avril 2015, 160 pp
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25 juillet 2015
Sincère idée
Fervent admirateur et agent littéraire auto-constitué d’Emile Verhaeren, Stefan Zweig, se défend, dans un élan de sincérité, d’avoir voulu le moins du monde œuvrer pour la littérature belge. Voilà qui a l’avantage d’être honnête…
La lettre date de début mai 1911- elle est rédigée en français
« (…) je n’ai jamais eu l’intention de faire quelque chose pour Ia littérature belge ; j’aime votre œuvre, j’aime vous [je vous aime] et c’était pour moi un plaisir de faire bien mon devoir. Et j’aime Camille Lemonnier. Mais les lettres belges – je n’ai jamais songé à elles. J’aurais aimé votre œuvre dans chaque langue dans laquelle j’aurais pu la comprendre et [la] pénétrer. Les grandes œuvres ne sont pas entièrement nationales, le meilleur d’elles-mêmes appartient à tous ; et j’aime votre œuvre, non parce qu’elle a créé une littérature belge, mais parce qu’elle est européenne. »
Verhaeren – Zweig. Correspondance. Edition établie par Fabrice van de Kerkhove, Ed Labor, 1996, coll. Archives du futur, 608 pp
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24 juillet 2015
Ode postal ou l'art du remerciement
Quelle joie d'offrir un ouvrage à l'ami Zweig et de s'en voir remercier de la sorte..
A Max Brod
Vienne, le 4 juillet 1907
Mon cher ami Brod, je trouve que la poste a d’excellentes inventions, puisqu’il est possible d’envoyer un livre depuis Prague avec un timbre à dix sous, et quand il arrive à Vienne, c’est bien autre chose, une grande joie pour celui qui le reçoit, deux heures magnifiques et un cadeau que l’on garde. Mais ce n’est pas la poste que je veux remercier, c’est vous, cher Max Brod, pour ce livre vraiment superbe. Peut-être - mes amis me le reprochent toujours-suis-je incapable de sonder une œuvre froidement et sans complaisance quand j’aime beaucoup quelqu’un, mais cela ne fait rien ; ce livre ne représente pas seulement pour moi un sommet dans l’art de la nouvelle, qui se rapproche des suprêmes hauteurs ; c’est aussi une voie toute nouvelle que vous avez ouverte. "
Et l'ami Zweig de développer un long et enthousiaste argumentaire de critique littéraire
Stefan Zweig, Correspondance 1897-1919, Préface, notes et traductions de l’allemand par Isabelle Kalinovski, Ed. Grasset, 2000, 384 pp ( In Le Livre de Poche, 2005, 480 pp)
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23 juillet 2015
Zweig und RM Rilke
Stefan Zweig voue une admiration notoire au célèbre poète Rainer Maria Rilke. Au point d'en ressentir quelque inhibition ainsi qu'il s'en ouvre à son amie, l"écrivain suérois Ellen Key:
Vienne,
I.Rasthausstraße,17
9.II.06
Très chère et honorable amie,
C’est curieux : voilà deux jours, j’ai vidé mon bureau de tous les livres qui l’encombraient et il ne reste sous mes yeux qu’un mince volume, le Livre des heures de Rilke Je le lis sans cesse et j’ai souvent pensé à lui et à vous. J’ai même écrit une longue lettre à Rilke, puis je l’ai déchirée. Elle était trop intime, trop personnelle, et je ne sais pas je suis pour Rilke davantage qu’un vague nom, entaché de surcroît du mauvais renom du littérateur. Je viens de vivre eux jours dans sa vie-l’a-t-il senti ? S’il ne risquait pas de me suspecter de vouloir lui présenter quelque requête, je lui irais bien des choses sans aucun motif extérieur."
Stefan Zweig, Correspondance 1897-1919, Préface, notes et traductions de l’allemand par Isabelle Kalinovski, Ed. Grasset, 2000, 384 pp ( In Le Livre de Poche, 2005, 480 pp)
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22 juillet 2015
Un jeune homme viennois
" C’est un jeune homme svelte, aux yeux de velours noir, aux manières feutrées, au sourire d’exquise courtoisie. Il a dix-neuf ans en 1900. Il fume cigarette sur cigarette, se lève et se couche tard, ne pratique aucun sport et, lorsqu’il ne joue pas aux échecs ou au billard, passe sa vie à lire ou à discuter. On le voit beaucoup dans les cafés.
Ains'Incipit la merveilleuse biographie que l'Académicienne Dominique Bona consacre à Stefan Zweig et, sur le blog du Pavillon, une huitaine thématique centré sur cet écrivain magistral. Nos cours de la rentrée rencontreront l'épistolier prolixe, fougueux et généreux qu'il incarna.
Stefan Zweig, L’ami blessé, Dominique Bona, biographie, Ed. Grasset, 2010, 464 pp
06:28 Publié dans Incipit, Les Estivales de l'Ermitage, Stefan Zweig | Commentaires (0) | Facebook |
29 juin 2015
Ode au Sud
"J’ai toujours ressenti dans le Sud une merveilleuse absence de désir et la clarté bleue d’un ciel toujours égal. Et je sais que le travail sérieux s’y réalise plus vite que dans le Nord. "
Déclare Stefan Zweig, un jour de janvier 1907 à sa correspondante, l'écrivain suédois Ellen Key
Nous le déclarons coup d'envoi idoine pour les Estivales de l'Ermitage...
Stefan Zweig, Correspondance 1897-1919, Préface, notes et traductions de l’allemand par Isabelle Kalinovski, Ed. Grasset, 2000, 384 pp ( In Le Livre de Poche, 2005, 480 pp)
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02 juin 2015
Echo-rrespondance (2/2)
"Il y a une désespérance, une morbidité chez Zweig qui peuvent paraître s’accorder aux violences et aux déchirements des générations de l’après-guerre, et même du lointain après-guerre. Une désespérance, une morbidité qui peuvent expliquer la force d’attraction qu’elles exercent notamment sur les adolescents. Ces fumées délétères de l’œuvre, qui sont peut-être son drame le plus envoûtant, continuent d’agir comme un poison mortel. Mais l’œuvre – et c’est son prodige – contient son contre-poison. Cet étrange pouvoir de consolation, si familier à ses lecteurs, au sein des récits les plus sombres : comme une pâle lueur à l’aube. L’espoir d’un possible matin. Après sa plongée dans les abîmes, le lecteur retrouve l’espoir ou la diffuse promesse d’un espoir. Zweig n’abandonne jamais son lecteur dans la nuit. Il a trop de pitié, trop ce bonté chez cet écrivain qui a porté aux sommets-et c’est sans doute aussi un de ses principaux attraits –l’art de la commisération. »
Stefan Zweig, L’ami blessé, Dominique Bona, biographie, Ed. Grasset, 2010, 464 pp
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26 mai 2015
Echo-rrespondance (1/2)
Dans sa magnifique biographie consacrée à Stefan Zweig, Dominique Bona évoque l'écho résolûment contemporain de l'oeuvre de l'écrivain viennois
« Sous le ciel noir de son œuvre, dans la lumière crépusculaire de ses nouvelles, de ses essais et de ses biographies, il est probable que notre époque, tourmentée et douloureuse trouve aussi une correspondance inattendue. L’univers de Stefan Zweig serait-il au diapason de nos peurs, de nos angoisses contemporaines ? »
Stefan Zweig, L’ami blessé, Dominique Bona, biographie, Ed. Grasset, 2010, 464 pp
Nous reviendrons sur le sujet et le sublime épistolier, thème majeur de nos cours de rentrée, cycle de " La lettre dans tous ses états."
L'occasion d'inaugurer, dès ce jour, sous l'enveloppe de L'Epistolière une rubrique spéciale "Stefan Zweig"
Et de vous y convier souvent..
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